Mon grain de sel
Actus, astuces, réflexions... Quelques idées pour la cuisine au quotidien

La cuisine familiale, comme son nom l'indique, est une affaire de famille. Avoir une maman qui cuisine, c'est recevoir dès ses premières becquées l'héritage d'une lignée de cuisinières. Pour peu qu'elle soit douée, cet héritage est un véritable trésor si l'on sait l'entretenir à son tour.

Cette cuisine ménagère, faite de recettes réalisées en deux coups de cuiller à pot, ou de plats plus élaborés, se transmet à qui le veut bien sur le coin de la cuisinière, au milieu des pluches ou de la belle vaisselle, pendant les vacances chez Mamy ou à la maison au jour le jour.

A l'heure où je réalise un de mes rêves d'enfant en créant ma propre activité liée à la cuisine, je souhaite rendre hommage aux femmes qui sont à l'origine de ma vocation.

Tatou, ma grand-mère par intérim, avait coutume de me dire : « Toi, il vaut mieux t’avoir en portrait qu’en pension ! ». Pendant les vacances, les papilles stimulées par le grand air de Châteaudun et les fumets de sa bonne cuisine, j’avais un appétit féroce. Puis elle concluait invariablement par « Avoir bon appétit, c’est une bonne maladie ! » ce qui ne manquait pas de m’encourager s’il en était besoin… Tatou était de cette génération de ménagères qui faisaient tout par elles-mêmes dans la maison, dont la cuisine : confitures, terrines, conserves de fruits et de légumes du potager familial. Pendant les vacances d’été, la saison des conserves, Laurence, Tatou et moi équeutions des montagnes d’haricots verts, épluchions des cageots entiers de pêches, de tomates, avant que Tatou les mette en bocaux. En la regardant faire, j’apprenais toutes les étapes de la fabrication. J’adorais jouer les commis de cuisine à ses côtés, m’affairant à ce qu’elle pouvait me laisser faire, tout danger écarté. C’est ainsi qu’elle m’apprit des recettes de soupe et sa fameuse recette du bourguignon que je fais toujours aujourd’hui.

Maman parlait souvent de la cuisine de Tatou pendant la guerre : elle réussissait l’exploit de mijoter des ragouts sans viande qui avaient le goût de viande, de vrais miracles gustatifs ! Les top-chefs d’aujourd’hui n’auraient qu’à bien se tenir. Comme Tatou, mes parents avaient connu la seconde guerre mondiale et ses privations ; autrement dit, la nourriture n’était pas un sujet de plaisanterie à la maison. Un jour de ma toute petite enfance, une époque où les micro-ondes n’existaient pas, je parlais encore trop à table au lieu de manger : mon père, excédé de devoir me répéter de manger pendant que c'était chaud, cassa une rangée entière de verres après avoir tapé sur le buffet plutôt que sur moi. Il n'avait probablement cassé que deux verres mais leur nombre augmentait chaque fois que la légende familiale était racontée. Chez nous, à table, il n’y avait qu’une loi : finir son assiette, complétée par une loi interprétative - non votée par maman - : il était permis de lécher son assiette !

Quant à maman, elle cuisinait très bien mais était persuadée que non (cf. "Maman où la cuisine sans filet").

Ni Tatou, ni maman, ni toutes mes autres tantes n'avaient jamais pris de cours de cuisine. Elles cuisinaient à l'instinct, en tenant compte des goûts et plaisirs de chacun. Untel n'aimait pas les tomates : qu'à cela ne tienne, elles retiraient les tomates de la recette et le plat était toujours aussi bon ! Maintenant que j'y repense, je sais qu'elles ne faisaient pas que nous nourrir, elles mettaient beaucoup d'elles-mêmes dans nos assiettes, elles nous servaient de l'amour !

Merci de tout mon cœur,

Isabelle